Hors des sentiers battus... [Nobuko]

Lorsque la jeune Princesse passa les portes en fer du parc, elle trouva immédiatement qu'il était surpeuplé. D'ordinaire, elle allait dans le parc au crépuscule, discrète et gracieuse, sa silhouette sauvage se découpant dans le ciel qui s'assombrissait. Mais aujourd'hui, comme les jours rallongeaient, le crépuscule était encore un peu plus retardé. Aussi, encore pas mal de monde arpentait les agréables sentiers de sables tracés entre les pelouses, les fontaines et les bosquets.

Le sable coulant entre ses doigts de pieds nus, elle bifurqua immédiatement pour se glisser entre quelques arbres, disparaissant à la vue de tous, redevenant l'enfant sauvage, les yeux verts assombrit, les vêtements mal arrangés, et l'air farouche d'une biche apeurée. Elle apprécia à sa juste valeur la mousse sous ses pieds, les branches basses et souples qui lui effleuraient les joues et l'odeur forestière entêtante.

Au détour d'un arbre, une fontaine chantaient en un glouglou féérique. S'approchant de la rivière qui lui servait de source, elle dépassa le marbre blanc qui formaient un arc de cercle autour du bassin, qui étaient bordé, aux autres côtés, par un énorme mégalithe, couvert de mousse. Sous l'ombre fraîche des arbres, Naoko trempa son pied dans la source, puis rêveuse, elle s'assit sur le marbre au veines grises, et contempla un instant le ciel orangé à travers les feuillages des hauts arbres.

Puis, transformée en créature sylvestre, elle contempla son reflet dans l'eau du bassin. Les cheveux emmêlés, le visage lisse et les yeux brillant d'une lueur presque effrayante, elle se reconnaissait enfin. Soudain, dans l'eau sombre, apparut un autre reflet. Naoko fit volte face.

Naoko pencha la tête en regardant la jeune fille devant elle. Instinctivement, la jeune Princesse devina l'identité de l'inconnue. On en parlait si souvent à présent dans le palais, que même sans l'avoir vue, il lui semblait la connaître déjà.

Elle renonça donc à sa liberté et son besoin farouche de solitude pour retenir Nobuko, si c'était bien elle dont il s'agissait :

" Non, non, restez..."

Elle avait soufflé ses paroles dans un murmure rauque légèrement effrayant, qui aurait pu faire fuir plus sûrement la jeune femme que si elle lui avait enjoint de déguerpir.
La Princesse se leva lentement, sa jupe à moitié déchirée et sa blouse comportant plusieurs accrocs, elle en perdait légèrement son aspect royal

De son regard vert elle désigna la fontaine et le marbre, priant silencieusement la jolie jeune fille de s'assoir. Elle dut donner à Nobuko l'impression d'être passée au rayon X tant son regard émeraude cherchait à percer sa personnalité.

Ainsi, elle ne s'était pas trompée... Bien qu'elle mourrait d'envie de l'interroger à propos de son propre cousin, Naoko mit un frein à sa curiosité. Nobuko semblait être une personne très douce, mais un peu ordinaire, malgré son joli visage. Naoko s'assit à ses côtés, son regard se détachant de la jeune femme pour virevolter entre les branches.

"Naoko, Naoko Shimashi..."

Peu habituée à une compagnie féminine, Naoko ne trouva rien à redire, mais ne toruva pas cela gênant pour le moins du monde. Elle avait l'habitude du silence, à savoir si Nobuko y était aussi habituée qu'elle.

Le silence fut rompu par quelque bruit animaux, rassurant pour la jeune Princesse. Le jour tombait peu à peu, et le soleil était de plus en plus bas. Le ciel était sanguin et la lumière se faisait de plus en plus rare, les ombres s'étirant sur leurs visages et sur leurs mains. Le bruit de fond des passants s'amoindrit.

" Quel bel endroit ! Comment l'avez vous trouvé ? "

Naoko eut un sourire en coin avant de se tourner vers Nobuko. Elle lui dit d'un air entendu

"Comment ne pas le trouver magnifique ?"

Son sourire s'effaça (bah oui ça lui demande un effort quand même). La jeune femme semblait apprécier la nature, ce qui était on ne peut plus une qualité aux yeux de la jeune Princesse.
Elle éprouvait bizarrement le besoin de lui parler. Peut-être à cause du lien potentiel entre Nobuko et son cousin, ou peut-^tre était-ce la douce aura de la jeune femme.

"J'y vais depuis que je suis arrivée à Machi Kumo..."

Elle se tourna à nouveau vers Nobuko

"Mais j'ignorai que d'autres partageaient ce plaisir..."

"Mère Nature est formidable non ?"

Le regard de Naoko s'éclaira. Elle eut à nouveau un minuscule sourire. Mère Nature était sa seconde famille, et elle se croyait la seule a employé ce terme pour désigner sa chère Nature. Les yeux rivés sur sa jeune compagne.

"C'est vrai... Mais je crois que c'est mieux que nous soyons seule à y prendre plaisir."

Elle regarda les environs en les imaginant rempli d'amoureux de la nature. Elle secoua la tête. Décidément la foule cadrait mal avec ce qu'elle aimait. Une fois de plus Naoko voulut en savoir plus sur Nobuko, même si cela valait le prix de ce si merveilleux silence.

"Mais parlez-moi, parlez-moi de vous..."

"C'est vrai... Mais je crois que c'est mieux que nous soyons seule à y prendre plaisir."

Oui. Il était vrai que cela perdait énormément de charme si tout le monde aimait. Si c'était si beau, si unique, c'était parce que les êtres humains n'étaient pas nombreux à faire attention à ces infimes détails.

Nobuko se sentit parfaitement en accord avec la jeune fille. Leur rencontre ne s'était pas fait comunément, et elles avaient la chance de faire connaissance dans ce lieu, comme on l'a tant répété, plus que merveilleux.

Lui parler ? Lui parler d'elle ? Elle fit le tour de sa vie. Rien de particulier à énnoncer. Rien d'intéressant à raconter. Oui, la vie de Nobuko était vide.

"Je... Je suis lycéenne .. dit-elle. Je viens tout juste d'arriver ici, et je ne connais pas grand monde..."

Que dire de plus ? Nobuko aurait pu évoquer sa rencontre avec Shiba... Oui, elle aurait pu... mais qui cela interesserait ? Pour lui, c'était sans aucun doute une banale rencontre. Il l'avait surement déjà oubliée.

"Et vous ?"

"Je... Je suis lycéenne .. dit-elle. Je viens tout juste d'arriver ici, et je ne connais pas grand monde..."

Naoko soupira avec un air las et plongea son regard vert dans les feuillages de plus en plus sombres. Le grand monde, elle, elle ne l'avait que trop vu, elle le connaissait suffisamment à son goût. Bien qu'elle n'eut pas une extraordinaire envie de parler, la curiosité la poussa tout de même à répondre.

"Je suis arrivée il n'y a pas bien longtemps également... Et quant au grand monde..."

Elle soupira encore, avant de s'étirer.

"Il se peut que je l'ai déjà côtoyé."

La Jeune Princesse se demanda si elle devait lui dire qui elle était. Elle appréciait la simplicité de la jeune femme, mais ne deviendrait elle pas horriblement formelle si elle connaissait son identité. En tout cas, aucun mot ne serait dit à propos de Shiba. Elle n'était pas du genre à se mêler des affaires des autres. Enfin pas tout le temps.

"Je suis la cousine des princes Mukake"

[ HJ : Zuuuuut ! Je savais pas qu'elle connaissait leur nom !! On va essayer de rectifier le tir...( on garde ça pour plus tard xD)]

Vu le ton qu'avait Nobuko, elle ne savait visiblement rien à propos du statut de Shiba et Naoki. Il vint soudain à l'esprit de Naoko qu'il était temps d'envisager la possibilité d'une relative toute petite gaffe. Avec un ton absolument pas convaincant, elle répliqua

"Oh, zut, mon accent, encore, me joue des tours... Je voulais dire Mukaki ! Et mes cousins ne s'appellent ni Shiba, ni Naoki !"

Elle chercha un instant deux noms qui pourrait allez comme un gant à deux paons arrogants qu'on visualisait tout de suite lorsqu'on parlait de princes.

"Oui, ils s'appellent... Ren ! Ren et... Kyo"

A vrai dire, au vu de la culture dans laquelle elle avait baignée toute son enfance, les premiers noms qui lui était venu à l'esprit était Bjorn et Clemens, mais d'évidence, cela n'avait rien de japonais. Elle décida de dériver sur un autre aspect de ses paroles, autre que celui des prénoms.

"Et mes cousins, sont les Princes de Machikumo."

Durant toute sa série de mensonges, malgré son ton faux, elle n'avait rien perdu de son calme. Tout simplement parce que la petite sauvage avait énormément de recul lorsqu'il s'agissait de ses cousins, bien qu'elle prenne un intérêt tout particulier à leurs histoires. D'ailleurs, une question subsistait. Pourquoi diable Naoki et Shiba n'avaient ils pas dit à Nobuko qu'ils étaient princes ?

[HJ// Je t'aime Jums, si tu savais XD]

Nobuko est très naïve. On le sait. Bien qu'elle ait le sens de la responsabilité, elle croit tout ce qu'on lui raconte. Et la nervosité de Naoko ne la frappa pas plus que ça. Elle-même était souvent dans cet état quand elle se trompait, ou qu'un lapsus entrait dans ses phrases. Elle chassa donc immédiatement Naoki et Shiba de ses pensées pour se reconcentrer sur Naoko.

Et voilà qu'elle réutilisait ce terme gênant. Prince. Nobuko ne savait même pas pourquoi ce mot la perturbait tant. Elle avait l'impression qu'il allait ou avait déjà eu un impact important sur sa vie, mais tout était flou. Elle n'arrivait même pas à comprendre elle même le fond de sa pensée.

Princes de MachiKumo ? Ils étaient si populaires que ça ? Wahou ! Mais la jeune fille était persuadée, d'après l'air de Naoko, que ce qu'elle pensait n'était même pas le reflet de la vérité. Ce fut avec un peu de gêne qu'elle demanda.

"Euh... Naoko... Par Prince, qu'entends-tu ?"

Naoko haussa les sourcils, surprise. Wahou, apparemment elle n'était vraiment pas arrivée depuis très longtemps, au point de ne pas connaître le fonctionnement politique de l'île. Sauf que la jeune Princesse n'y connaissait rien non plus. Elle se contenta donc de répondre d'une façon particulièrement stupide.

"Hé bien, les fils du Roi..."

La jeune fille se rendant compte que c'était plus que stupide, et surtout très général.

" En fait, MachiKumo est... gouvernée... par un Roi. Et ce roi a des fils. Je suis la nièce du Roi, je suis donc leur cousine. Une sorte de Princesse...

ça c'était un qualificatif qu'elle détestait. Elle se demandait même pourquoi elle l'avait dit.

"Vous ne saviez pas ?"

Il n'y avait aucune arrogance dans la voix de Naoko, juste une infinie surprise. Mais qu'est-ce que Shiba et Naoki avaient ils bien leur dire d'eux ? De leur pays ?
Elle se demanda aussi qu'avait cru la jeune femme quand elle avait parlé de Princes.

[HJ : Mais moi aussi je t'aime !xD J'adore Nobuko aussi (genre naïve on fait pas mieux !]

A la mine de Nobuko, Naoko devina tout de suite le défilé de robes de princesses, de pantoufles de verre et de sommeil centenaire et retint un sourire qui aurait paru moqueur ou impolie (elle ne tenait absolument pas à blesser la jeune femme qu'elle appréciait de plus en plus).

Mais quand Nobuko s'adressa à elle avec son titre, elle ne retint pas une moue dégoûtée qui signifiait clairement 'pouah quelle horreur !'. Elle détestait qu'on lui adresse un quelconque protocole, et "Majesté" en faisait beaucoup trop parti à son goût.

"Il y a bien un palais. Pas gigantesque ni fantastique, mais il y en a un. Vous pourrez me rendre visite si vous voulez, sauf si vous continuez à m'appeler "Majesté"..."

Elle disait cela par plaisanterie, mais elle ne put effacer tout à fait la férocité qui ronfler sous ses mots...

Naoko retint en se mordant les joues d'éclater d'un rire qui eut pu gêner ou blesser Nobuko. C'était pas possible d'être aussi naïve. Mais Naoko ne put s'empêcher de rougir, ce qui lui arrivait très rarement. Elle agita la main, gênée par ses compliments, sans en avoir vraiment l'air. E, plus Nobuko l'avait tutoyé.

" Tu pourras, c'est sûr, quand tu voudras, il te suffira de demander à quelqu'un qui traîne dans les couloirs... C'est difficile d'avoir une vie privée."

Et pour éviter que la jeune femme se fourvoie sur sa nature, bien qu'elle n'eut aucun plaisir à gâcher cette image peu influencée par son apparence que c'était faite Nobuko.

"Et je ne suis ni pure ni gentille"

Naoko détourna brusquement la tête, et fixa son regard vert profond dans les abysses de la rivière azure. Dans son cas, en général, on était très avare en matière de compliment. Non pas qu'elle s'en plaignît, car elle savait qu'elle en méritait peu, mais c'était tout bonnement inhabituel qu'on la complimente. Nobuko, elle, se trouvait être très prodigue en la matière, et cela gênait Naoko. Elle rougissait beaucoup.

Toujours tournée, elle répondit à Nobuko :

"Tu ne devrais pas me dire ça..."

Elle trempa son orteil dans la source, puis ramena ses genoux sous son menton. Elle avait pleinement conscience qu'il était temps de changer. Qu'il fallait faire des efforts. Et c'était les gens comme Nobuko qui lui rappelaient sans cesse.

"Je pourrai le devenir, bien sûr..."

Cette fois-ci, elle se tourna vers Nobuko et la regarda droit dans les yeux en lui tendant la main.

"Pourrais tu m'y aider ?"

"Tu ne devrais pas me dire ça..."

Oui, Nobuko le savait. Elle disait souvent des choses qu'elle ne devrait pas dire, mais ne savait franchement pas faire la différence. Elle eut l'impression que les compliments qu'elle lui avait fait n'avait seulement fait que refermer un peu plus la coquille dans laquelle la jeune fille s'était enfermée.

Mais la jeune fille n'avait rien fait de mal, si ce n'est avoir dit ce qu'elle pensait. Bien qu'elle savait cela, ses lèvres tremblaient doucement comme si elle murmurait "Désolée" dans le silence reposant qui les entouraient toute les deux, elle et Naoko.

"Je pourrai le devenir, bien sûr..."

Nobuko leva la tête en même temps que celle, si elle pouvait l'appeller comme cela, nouvelle amie. Elle en oubliait même qu'elle était face à une princesse, étant donné le fait que la jeune fille était simple et naturelle. Et bien sûr, le fait qu'elle n'avait pas de diadème sur la tête et de robe ornée de pierres précieuses.

"Pourrais tu m'y aider ?"

Son regard était maintenant face à la jeune princesse. Elle attendit un instant, puis posa la paume de sa main à la surface de l'eau, ce qui créait de petites vagues.

"Tu n'a rien à changer Naoko. Ce que tu es doit suffir largement à ton royaume..."

Elle éprouva une certaine gêne à prononcer ce mot qui, elle le savait, allait faire tilter la jeune fille.

" Être soi-même c'est ce qui compte non ? Mais... C'est encore plus dur ... Alors si tu le veux, je t'aiderais, mais la seule chose que je pourrais faire, c'est te consoler ou t'encourager avec mes mots..."

Elle releva la tête pour que celle ci sente les faibles rayons du soleil caresser sa peau.

"Lorsque "la chose" qui bloque la véritable toi sera partie, tout sera clair alors. Mais elle ne partira pas toute seule. C'est une personne, un evenement, ou peut être toi même qui peut la faire disparaitre... Là, je suis sure que tu seras très heureuse d'être une princesse, et tu en seras aussi très fière."

Elle ferma les yeux doucement quelques secondes avant de sursauter. *Oups.. J'ai encore parlé pour ne rien dire*.

"Excuse moi, je dévie du sujet !"

Quelle maladroite, cette Nobuko!

Les paroles philosophiques de Nobuko passèrent bizarrement du baume au cœur de Naoko. Elle avait précisément dit ce qu'il fallait dire au bon moment. Mais quelle personne trouver ? Mais qui donc accepterai la lourde tâche de la libérer de son lourd chagrin ? Qui lui accorderait la rédemption quelle attendait tellement ? Qui saurait faire d'elle une personne libre ? Libérée d'elle-même. Qui ou quoi ?

"Excuse moi, je dévie du sujet !"

La réplique brusque empêcha justement les larmes de perler aux cils de la jeune Princesse. Elle sourit et dit d'une voix infiniment douce, infiniment triste, qui s'accordait parfaitement au murmure de la fontaine.

"Non, non... ne t'excuses pas..."

Il était étrange de constater à quel point la remarque de Nobuko l'avait bouleversée. Elle semblait lire en elle comme dans un livre ouvert. La douceur de son sourire illumina sa bouille ronde, et son regard se perdit dans le vague. Ren, c'était à Ren que Nobuko ressemblait. Lui aussi avait parfaitement deviné ce qui se cachait derrière le miroir de ses yeux verts.

Elle déplia ses longs bras et avec une douceur infinie, une triste tendresse, elle saisit la main de Nobuko et lui lança un regard franc, plongeant ses yeux émeraude dans les magnifiques yeux de biches de la lycéenne, déversant une vague de sentiment qui eut pratiquement le pouvoir d'aller d'un esprit à l'autre.

"Non, ce n'est pas la peine... ça fait beaucoup de bien d'être comprise."

- Dis, tu penses qu'un jour, nous pourrions être amies ?

En entendant ces mots, Naoko se sentit rougir, sa peau d'ivoire se colorant de pigments rosés. Son coeur battit un peu plus fort. C'était la première fois qu'on lui faisait une telle proposition, et elle n'en avait évidemment pas l'habitude. Devant la franchise de Nobuko, la jeune Princesse se sentit totalement désemparée. Elle garda un silence troublé durant quelques minutes.

Elle laissa à son coeur le temps de se calmer. Un léger vent se levait durant cet instant et caressait les jolis minois des deux demoiselles. La forêt sombre avait maintenant des allures d'Alice au pays des merveilles, mais cela n'effrayait en rien la tendre et romantique Naoko. Elle se décida alors à répondre :

- Bien sûr... Mais ne le sommes nous pas déjà ?